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  • La croix Vitafor

    Tous les ans, pendant les vacances d'été, "Ouest France", le journal quotidien de tout l'Ouest de la France, organisait un grand jeu concours dont le premier prix était une somme d'au moins dix millions d'anciens francs, soit l'équivalent de quinze mille euros aujourd'hui. Cette somme était très importante pour l'époque et nous passions toutes nos vacances d'été à essayer de résoudre les énigmes quotidiennes proposées par le journal. L'énigme du jour était en dernière page du quotidien et nous prenions soin, tous les jours, de la découper pour la ranger dans un classeur, avec toutes les énigmes précédentes : il s'agissait souvent d'une photo insolite d'un objet qu'il fallait découvrir. A la fin de l'été, quand le grand bulletin-réponse était édité par le journal, toute la famille se rassemblait et reprenait les énigmes une à une pour remplir le bulletin-réponse. Les discussions allaient bon train, car nous n'étions pas toujours d'accord sur le choix des réponses à donner : après des heures de palabres étalées sur plusieurs soirées, nous avions enfin rempli entièrement le bulletin réponse, sans oublier la question subsidiaire.

    Et puis un jour, cette belle harmonie démocratique a été rompue par l'arrivée d'une nouvelle venue : la croix Vitafor. Ma mère avait acheté cette croix par correspondance, à la suite d'une publicité qu'elle avait vue dans un journal et qui vantait les mérites de cette belle croix pendentif : joie, bonheur, santé et chance étaient assurés à celui qui la porterait. Comme mon père semblait disposer d'un vrai fluide magnétique (il lui arrivait de trouver une source avec une montre pendentif),  il avait décidé de passer toutes les énigmes sous la croix Vitafor, qu'il tenait une bout de sa chaîne, comme un pendule. Pour chaque énigme posée, il passait la croix au-dessus de chacune des quatre ou cinq réponses proposées : si la croix se mettait à tourner au dessus d'une réponse, c'est qu'elle était la bonne. Malgré notre scepticisme sur les réponses apportées par la croix, mes parents remplirent le bulletin-réponse en fonction de celle-ci  ….

    Cette année-là, nous n'avons rien gagné, pas même un petit lot de consolation que nous arrivions parfois à décrocher, les années précédentes.

    La croix Vitafor a terminé sa vie dans une petite boîte enfermée dans une armoire, d'où elle n'est jamais ressortie.

  • Le curé d'Ars

    Dans notre village coexistaient deux types d'écoles : l'école laïque et l'école libre. Nous avons passé notre scolarité (jusqu'en 3 ème) au collège St Joseph, qui, selon mes parents, avait une bien meilleure réputation que l'école laïque d'à côté. Nous avions donc un enseignement religieux donné à  l'école par l'abbé du village, qui nous rendait visite une fois par semaine. J'appréciais la visite de l'abbé, car sa venue nous permettait d'oublier un peu les problèmes de fuite de robinet et autre analyse grammaticale. De plus, le sympathique abbé était d'une grande gentillesse et son enseignement se limitait en fait à nous raconter de pieuses histoires : il avait une façon si captivante de les raconter que son assistance, faite d'enfants de 10/11 ans, restait attentionnée jusqu'à la fin. Ainsi, l'histoire du curé d'Ars nous avait-elle marquée, quand il nous parlait du combat de ce pauvre petit curé de campagne contre le diable, qui venait déchirer ses rideaux en pleine nuit, au milieu de bruits effrayants : un habitant du village, qui s'était caché dans son grenier avec un fusil, en était même ressorti mort de peur ! Par trois ou quatre fois, le curé a voulu quitter le village, mais les habitants l'ont retenu. J'étais effrayé par cette histoire, qui m'a fait penser par la suite au film "l'exorciste" et j'ai passé quelques mauvaises nuits, blotti sous mes couverture, à me boucher les oreilles pour ne pas entendre de bruits suspects dans la maison.

  • Le Mont Saint Michel

    Quand l’été arrivait, mes parents aimaient s’octroyer une journée de détente, en famille, au Mont Saint Michel. La distance à parcourir était d’environ 200 km et nous nous levions de bonne heure pour pouvoir profiter pleinement de la journée. Ma mère préparait les sandwichs et les boissons pour toute la famille et les enfermait dans une énorme glacière. Le voyage se faisait sans encombre, par les routes départementales. Nous arrivions en milieu de matinée et pouvions ainsi grimper les marches du Mont. Nous avions du mal à nous frayer un chemin dans la foule : nous touchions des yeux les souvenirs étalés aux devantures des magasins, mais le moment le plus difficile était sans doute l’arrêt devant le restaurant  "La Mère Poulard", avec ses fumets d'omelettes baveuses qui venaient titiller nos narines : évidemment, les tarifs prohibitifs nous interdisaient toute incursion dans ce restaurant.
    Après la visite du Mont, nous repartions en voiture pour passer l'après-midi sur une des plages alentour. Une fois sur place, nous commencions par déjeuner car le voyage et l'escapade au Mont Saint Michel nous avaient ouvert l'appétit : nous mangions nos sandwichs assis en tailleur, sur nos serviettes. Venaient ensuite la baignade pour les plus grands et les jeux dans le sable pour les plus petits : nos parents, quant à eux, restaient sur la plage, allongés sur leur serviette. Mon père gardait son pantalon, même sur la plage, car il supportait difficilement l'ardeur du soleil.
    Ainsi s'écoulait la journée où nous faisions le plein d'iode … et de coups de soleil !
    Le retour à la maison, en soirée, était beaucoup plus pénible que l'aller : nous ne pouvions en effet pas prendre de douche avant de quitter la plage et tout le trajet retour se faisait, serrés à sept dans la voiture, en nous grattant les fesses et le dos, avec la peau plus ou moins brûlée par le beau soleil du mois d'août.
    Nous arrivions chez nous dans la nuit, épuisés mais heureux de cette belle journée passée au soleil avec nos parents.