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  • Les chats

    Les chats ont toujours fait partie de notre environnement d'enfants. Nous avions un couple de chats de gouttière (mâle et femelle) qui vivaient chez nous et chassaient rats, souris ou piafs à longueur de journée. Lorsque je rentrai du collège, le soir, ma mère était assise sur une chaise, en train de repriser nos chaussettes : un chat dormait souvent paisiblement sur ses genoux, en ronronnant comme un bienheureux. Hélas, ce bonheur animal était brisé de temps en temps par la naissance de petits chatons : en effet, les chats vivaient en pleine nature et comme la stérilisation n'existait pas à cette époque, notre chatte pouvait avoir une portée de chatons 2 à 3 fois par an ! C'était un véritable drame, car mes parents ne pouvaient pas garder les bébés chats et devaient s'en débarrasser. Comme tous nos voisins avaient des chats, on ne pouvait pas les donner et mon père était contraint, bien malgré lui, de les éliminer : il plaçait donc les chatons dans un sac lesté, qu'il faisait couler à pic dans une bassine remplie d'eau. Il les laissait plusieurs minutes sous l'eau, pour être sûr qu'aucun ne survivrait ! J'ai des souvenirs épouvantables de ces moments atroces, où je pleurais en voyant la chatte chercher ses petits. Mon père, qui adorait les animaux, était écoeuré d'avoir à faire une telle besogne, mais il n'avait pas le choix. Puis un jour, le chat mâle est venu mourir à la maison : il avait dû manger un poison quelconque dans le jardin d'un voisin. Je lui ai caressé la tête, un matin, avant de partir à l'école : le midi, il était mort. Lors de la portée suivante de la chatte, mes parents ont accepté de garder un chaton, pour mon plus grand bonheur. Hélas, un mois plus tard, la pauvre chatte se faisait écraser devant notre maison par une voiture : notre chaton devenait orphelin et nous avons dû le nourrir au biberon. Ainsi donc, malgré les remontrances de mes parents, je n'ai jamais pu réprimer cet amour insensé pour les chats, qui me faisait hélas beaucoup trop souffrir lorsqu'ils disparaissaient.

  • Les cailloux de la ferme

    Durant l'été, comme nous ne partions pas toujours en vacances, nous avons travaillé, mon frère et moi, dans un ferme des environs, du doux nom de "La Gouyardière", afin d'avoir un peu d'argent de poche. Nous allions en vélo à la ferme (une dizaine de kilomètres) et nous passions notre journée dans un champ labouré, pour y ramasser les cailloux ! La journée était particulièrement épuisante, surtout pour les enfants de 10 et 13 ans que nous étions, car le soleil du mois d'août nous "chauffait la couenne", comme disait le brave paysan qui venait nous voir de temps en temps, en oubliant souvent de nous apporter quelque chose à boire. Nous rentrions chez nos parents à vélo, le soir, épuisés : cette expérience ne dura pas très longtemps, car la maigre pitance gagnée ne nous consolait pas de nos coups de soleil.

  • La messe le dimanche matin

    Tous les dimanches matin, enfant, j'avais obligation d'aller à la messe : celle de 9 heures ou celle de 10h30. Cette obligation dominicale, que j'ai vécue jusqu'à l'âge de 15 ans, n'était pas négociable. L'arrivée en seconde et la contrainte de travailler mes cours le dimanche matin m'ont exonéré de cette contrainte, qui fut alors déplacée le samedi soir, de 20 heures à 21h ! Ma mère était en effet intransigeante sur ces obligations religieuses et il n'était pas question, dans un petit village de Mayenne, à cette époque, d'y déroger. Pour Pâques, la Toussaint et Noël, nous devions obligatoirement nous confesser auprès d'un prêtre pour pouvoir communier ensuite : je me souviens de ces faces à faces angoissants avec le religieux, à genoux dans le confessionnal, en essayant de trouver les péchés que j'avais pu commettre ces dernières semaines, pour pouvoir en être absous par l'homme d'église. La crainte religieuse était réelle et faisait partie de notre quotidien, avec par exemple, les cours de catéchisme intégrés dans notre enseignement scolaire. Nous avions régulièrement des interrogations écrites sur notre religion, qui étaient notées au même titre que les mathématiques ou le français. Je me souviens qu'à cette époque, je savais par cœur ce qu'était Pâques, l'Ascension, l'Assomption, car je ne voulais pas que ma moyenne générale baisse.

  • L'ouvrier et le patron

    Mon père travaillait chez un artisan menuisier ébéniste du village, avec une dizaine de collègues. Ses conditions de travail étaient assez pénibles : un atelier rempli de poussière et de sciure (il n'y avait aucun système de ventilation), une chaleur épouvantable l'été, un froid infernal l'hiver, le bruit incessant des machines et surtout la présence du "patron" dans l'atelier, d'une humeur exécrable, transformaient souvent la journée de travail en journée de bagne. Les ouvriers travaillaient sans relâche sous la férule du maître des lieux, qui n'hésitait pas à licencier du jour au lendemain quiconque aurait osé braver son autorité. Il s'absentait de temps en temps de l'atelier, pour aller voir des clients avec sa belle DS 21 qui me faisait rêver : cela permettait aux ouvriers de souffler un peu, même s'ils devaient se méfier quand même de la "patronne" (l'épouse du maître), qui, de temps en temps, venait voir discrètement si ses ouvriers méritaient bien leur salaire ! L'atelier était en effet situé à une centaine de mètres du lieu d'habitation des "patrons". Ce lieu accueillait le couple patronal avec ses 2 enfants, mais aussi la grand-mère, et plus tard les petits-enfants du "patron" : toute cette belle famille était logée sous le même toit mais n'était pas assujettie à la même vie que les ouvriers qui travaillaient si près de leur domicile : en effet, aucune de ces personnes, sauf le "patron", n'exerçait une activité professionnelle. Une dizaine d'ouvriers suffisaient en effet à leurs besoins. La "patronne", dont le QI était inversement proportionnel à la somme d'argent gagnée sur le dos des ouvriers, disait parfois à ma mère, qui faisait ses courses à pied ou à vélo, avec un cabas rempli pour nourrir une famille de 5 enfants, que "l'ouvrier, aujourd'hui, est heureux". En effet, pendant cette période faste des "30 glorieuses" (de l'immédiat après-guerre jusqu'aux années 70),  l'économie française a tourné à plein régime, mais "l'heureux ouvrier" comme mon père gagnait un salaire misérable, devait aller travailler même malade (sinon, il n'était pas payé) et risquait le licenciement du jour au lendemain : j'ai toujours un sourire attendri quand j'entends notre personnel politique trop bien nourri parler avec regrets de cette période heureuse de notre histoire.

  • Menuisier-ébéniste

    Mon père était menuisier ébéniste et travaillait comme ouvrier chez un artisan du village. Dans les années 60, les conditions d'hygiène et de sécurité n'étaient pas aussi rigoureuses qu'aujourd'hui. Mon père travaillait dans un grand atelier, surchauffé l'été et glacial l'hiver, et toute la journée il respirait un air chargé de sciure et de poussière. Il n'y avait pas ou peu de protection sur les machines, et fréquemment, ses doigts se faisaient happer par une scie circulaire ou une scie à ruban : mon père partait alors en courant chez lui, la main bandée dans un chiffon, en attendant qu'il soit emmené à l'hôpital, par un voisin possédant une voiture. Les pauvres mains de mon père étaient les témoins du lourd tribu payé à la machine : sa main droite n'avait plus ni annulaire, ni auriculaire, remplacés par 2 petits moignons; le majeur, déformé par les coups reçus (coups de marteau, blessures dues aux machines) ne se pliait plus et était difforme. Quand mon père nous donnait une gifle suite à une mauvaise conduite, nous avions la marque de ses 3 doigts sur le visage, ce qui nous faisait dire :" "3 doigts" a encore frappé !"

    Lorsqu'il travaillait sur un meuble, pour le restaurer, il lui arrivait souvent de chanter ou de siffler des chants de messe, souvenirs de sa jeunesse au cours de laquelle il avait été enfant de chœur. Si par mégarde, il se donnait un coup de marteau sur les doigts, un violent "Nom de Dieu" terminait le cantique latin !

  • Les vacances dans le Massif Central

    Vers l'âge de 40 ans, mon père a enfin pu passer son permis de conduire et acheter sa première voiture. C'était un évènement dans la famille, car, à cette époque, très peu de familles ouvrières possédaient une automobile. Mes parents avaient acheté, chez le garagiste du village, une Panhard PL17 : mon père n'était pas très féru de mécanique et avait une confiance aveugle dans son garagiste. La voiture avait un aspect amusant, avec des gros phares ronds, un capot arrondi et un châssis assez bas. Elle avait un moteur assez pétaradant et poussif, avec uniquement 3 vitesses. Elle semblait un peu petite pour une famille de 5 enfants, mais rien n'aurait empêché mes parents de partir en vacances pour la première fois de leur vie.

    Nous sommes donc partis un beau matin du mois d'août, à 7 dans une voiture chargée à bloc, direction le Massif Central. Arrivée à mi-parcours, la voiture, dont le pare-choc arrière frôlait le bitume, n'a pas supporté un dos-d'âne sur un passage à niveaux : le pot d'échappement a été arraché suite au choc sur le sol et mon père a dû trouver rapidement un garage avec une voiture qui vrombissait comme un avion. Nous avons dû terminer le parcours avec un taxi, qui a accepté de nous emmener à destination, avec nos bagages. Le trajet n'en fut pas moins épique, car nous vomissions tous à chaque virage, serrés à 8 dans une voiture surchauffée qui arpentait les lacets du Massif Central.

    L'année suivante, nous sommes à nouveau partis en vacances dans la Massif Central : mon père avait dû se débarrasser de la Panhard pour acheter une 404 break d'occasion. Nous avions beaucoup plus de place dans ce véhicule et cette année-là, mes parents avaient décidés d'emmener, dans le coffre de la voiture, notre garde-manger pour un mois : 4 poules vivantes, qui ont d'ailleurs eu du mal à le rester, tellement il faisait chaud dans le véhicule, en plein mois d'août ! Le voyage était parfois mouvementé car nous emmenions aussi le chat Ploum, qui n'appréciait pas vraiment la compagnie odorante des poules dans la voiture. Une fois arrivées à destination, les poules étaient parquées dans un petit enclos et profitaient du bon air de la montagne, avant de passer dans la casserole familiale.

  • La poule et le lapin

    Une fois par semaine, après le dîner, mon père tuait une poule ou un lapin, qu'il choisissait dans la volière ou le clapier de notre jardin. Il attachait la poule par les deux pattes et la suspendait à un arbre, tête en bas. Puis, il ouvrait le bec de l'animal et  enfonçait un couteau dans sa gorge : il le retirait ensuite d'un coup sec, ce qui tranchait la gorge de la poule et provoquait une mort rapide par perte de sang. La pauvre bête se débattait violemment au début de son agonie, essayait d'avaler son sang puis finissait par mourir, vidée de son sang.

    Mon chat Ploum attendait patiemment près de la poule, humant le sang chaud qui s'écoulait, en sachant que, bientôt, il se délecterait des viscères fumants de l'oiseau. Une fois la poule morte, mon père la décrochait et mon frère et moi devions la plumer en la trempant régulièrement dans une bassine d'eau chaude pour nous faciliter la tâche. L'endroit le plus délicat pour arracher les plumes se situait au niveau du croupion, surtout quand la poule avait la diarrhée ! Une fois déplumé, l'animal passait dans les mains de ma mère, qui la vidait des ses viscères, qui allaient faire la joie du chat.

    Pour la mise à mort d'un lapin, mon père procédait de la même façon : il le suspendait par les deux pattes arrière puis l'assommait d'un coup sec et violent derrière les oreilles. Un fois la lapin assommé, il lui arrachait les yeux avec un couteau, pour le saigner : le chat adorait déguster les yeux de lapin ! Puis mon père dépouillait l'animal, en partant des pattes jusqu'à la tête. Restait la phase la plus délicate pour mon père qui consistait à vider le lapin sans percer le pancréas de l'animal : il lui arrivait de vomir ensuite, car mon père était très délicat !

    Nous étions habitués à ces mises à mort hebdomadaires, qui étaient la seule façon, pour nos parents, de nourrir correctement une famille de cinq enfants : ils n'avaient en effet pas les moyens d'acheter de la viande chez les commerçants du coin (les grandes surfaces n'existaient pas, à cette époque). Cette habitude de manger un animal venant directement de notre poulailler ou notre clapier, même si elle peut paraître très bio, voire bobo aujourd'hui, était le seul moyen de survie des familles ouvrières de l'époque.

  • La grand-mère

    De temps en temps, notre grand-mère, vieille femme veuve depuis de nombreuses années, venait habiter chez mes parents pour quelques jours. Elle n'avait pas très bon caractère, sans doute aigri par le décès de son mari, mort des suites de la guerre 14/18 (inhalation de trop de gaz "moutarde") pendant sa dernière grossesse  : elle accouchera seule de ma mère.

    Ma grand-mère ne m'aimait pas beaucoup, et je le lui rendait bien, mais elle avait un défaut majeur à mes yeux : elle n'aimait pas non plus les animaux, en particulier mon chat Ploum. Chaque fois que, discrètement, elle pouvait lui donner un coup de pied contre le pauvre matou, elle n'hésitait pas. Mon chat Ploum était un vrai chat de gouttières, habitué à chasser et à se battre contre ses congénères pour défendre son territoire.

    Un jour, nous entendons des hurlements dans la cuisine : mon père se précipite et voit ma grand-mère tremblante, debout sur une chaise avec le balai à la main. En face d'elle, mon chat Ploum, debout sur un meuble, poils hérissés et yeux exorbités, s'apprête à sauter lui au visage. Ce jour-là, mon père a réussi à faire sortir le chat de la cuisine, évitant à la grand-mère une greffe du visage ! Elle a donné de vagues explications sur le comportement anormal du matou, mais n'a réussi à convaincre personne : mon chat était du genre pépère, à passer un après-midi à jouer avec une pelote de laine ou à ronronner sur les genoux de ma mère quand elle tricotait : j'étais fier (intérieurement) de lui, digne descendant des chats de gouttière intrépides et affectueux.

  • L'instituteur

    Dans les classes de CM1 et CM2, il y avait deux instituteurs particulièrement craints par les élèves. Le premier, le plus jeune, était un colosse roux d'une force herculéenne : quand il se mettait en colère, sa voix résonnait dans toute la cour de l'école et faisait trembler les élèves. La torture était de passer au tableau pour y faire un exercice : si l'élève se trompait, l'instituteur le soulevait de terre en le prenant par les épaules et lui hurlait à l'oreille la correction, en lui cognant la tête contre le tableau à chaque mot prononcé. Ce procédé nous terrorisait mais nous forçait à nous concentrer un peu sur nos devoirs. A cette époque, les psychologues pour enfants n'avaient pas pignon sur rue "pour aider à accompagner l'enfant dans son cheminement"  : la seule psychologie prépondérante était la psychologie "tarte dans la gueule".

    L'autre instituteur, plus âgé, fumait systématiquement pendant les cours. Quand il nous faisait une dictée, il passait dans les allées, et, s'il constatait une faute d'orthographe sur une copie, il dégainait sa règle en fer et punissait le fautif d'un coup de règle sec et vif sur le haut de l'oreille : l'effet était garanti, surtout en hiver, quand l'enfant était venu à vélo à l'école (certains faisaient plus de dix kilomètres pour venir) et que ses oreilles étaient rouges de froid.

  • Les vacances de février

    Pendant les vacances scolaires de février, nous nous occupions à laver les bouteilles vides, en vue de la prochaine cuvée de cidre de l'année. Nous faisions tremper les bouteilles usagées dans un bassin rempli d'eau, puis nous les lavions à la main. Il fallait remplir complètement la bouteille en la maintenant sous l'eau, puis laver l'intérieur en remuant une petite brosse que l'on faisait pénétrer à l'intérieur de celle-ci. Le bassin était dans la cour, en plein air et nous avions les mains gelées.

    A la reprise de l'école, j'écoutais avec bonheur une petite copine, Martine, fille du médecin du village, qui nous contait ses vacances aux sports d'hiver et nous parlait du froid, qui, souvent, en altitude … lui gelait les mains !

  • Le Vermifuge "Teurtou"

    Une fois par mois, toute la famille se déplaçait pour aller voir un vieux monsieur, guérisseur de son état, qu'on appelait un "toucheur" : ma mère était persuadée que ses passes magiques nous guérissaient des "vers" (ascaris) qui semblaient perturber, parfois, notre système nerveux.

    Le vieux monsieur, qui habitait, en pleine campagne, un lieu-dit appelé "le carrefour des treize poils" (!!!) était un brave petit grand-père, peu loquace, qui pratiquait son art avec un certain mystère. Nous passions un par un sous ses mains bienfaitrices. Il ne demandait jamais à être rétribué pour ses actes, mais mes parents lui donnaient toujours un peu d'argent.

    Un jour, il dit à ma mère de nous donner tous les soirs, pendant quelques jours, une cuillerée de vermifuge "Teurtou". Ma mère s'inquiète et lui dit qu'elle ne connaît pas cette marque de vermifuge. Le grand-père se met alors à rire à gorge déployée et mon père nous explique  que "Teurtou" n'est pas la marque du vermifuge, mais un terme en patois qui veut dire "pour tous".

    Toute la famille devait prendre du vermifuge : du vermifuge teurtou !

  • Noel

    Noël était le moment que nous attendions tous avec une certaine excitation. La semaine précédant cet évènement, nous partions, dans la campagne environnante, chercher du houx avec des boules rouges, pour décorer la crèche : tous les ans, début décembre, celle-ci réapparaissait dans un coin de la maison. Joseph, Marie, l'âne et le bœuf attendaient patiemment l'arrivée du "petit Jésus", le 25 décembre. Tous les soirs, après le dîner, nous allions faire une prière en famille, à voix haute, devant la crèche, lumière éteinte et bougies allumées. Le soir de Noël, après le repas, nous allions à la "messe de minuit", dans l'église du village. Au retour, en guise de réveillon, nous buvions un bol de chocolat chaud et nous allions nous coucher. En m'endormant, je pensais à ma belle boite de "Meccano" que j'aurais demain matin, près de mon soulier … En me réveillant le lendemain, je m'empressais, comme mes frères et sœurs, de découvrir mes cadeaux … une orange, un petite boite de chocolat, une blouse pour l'école … mon cœur était triste, mais je n'en voulais pas à mes parents : nous étions cinq enfants, ils étaient pauvres, et je les aimais.

    Tant pis pour ma boite de Meccano …

  • La ferme

    Tous les jeudis, jour de repos des écoliers, il fallait aller chercher la nourriture pour la semaine : mes parents n'avaient pas encore de voiture à la fin des années 70. Nous partions à vélo, mon frère et moi, pour une dizaine de kilomètres dans la campagne mayennaise. Nous allions toujours à la même ferme, qui portait le doux nom de "Chalopinnière", chercher deux ou trois poulets, des œufs et parfois un lapin. Les animaux étaient vivants et nous les enfermions dans des sacs à provisions, accrochés aux guidons des vélos. Parfois, la fermière nous proposait de boire un verre de cidre et de manger : "Qu'est-ce que tu veux, mon p'tit bonhomme ? une beurrée de beurre avec un pèrre  ou un bout de fourmeuge ?"  Avec le temps, j'avais fini par comprendre que j'avais le choix entre une tartine de beurre avec une poire ou un morceau de fromage. De temps en temps, elle nous interpellait en nous disant : "les jeunes d'ast'heur, on a beau yeu'di, on a beau yeu'fé, i n'en f'sant qu'à yeu'têt !" ("les jeunes d'aujourd'hui, on  a beau dire, on a beau faire, ils n'en font qu'à leur tête !". Nous répondions alors avec un sourire béat pour lui faire croire qu'on avait compris.

    L'été, cette balade champêtre était sympathique, mais l'hiver, elle pouvait tourner au cauchemar, à cause du froid ou de la pluie. Je me souviens que parfois, j'arrivais à la maison en pleurant, les mains rougies par un froid vif et cinglant : ma grand-mère, qui ne m'aimait pas beaucoup, disait que je "faisais des manières" pendant que j'essayais de ramener me doigts à la vie au dessus du poêle à bois (ma grand-mère était très psychologue et savait parler aux enfants de neuf ans !)

  • Culotte courte

    L'hiver, en Mayenne, à cette époque (1960-1970), il faisait froid. Les garçons portaient la "culotte courte", de Pâques à la Toussaint , soit plus de 7 mois pendant lesquels les températures avoisinaient parfois le zéro degré, voire en dessous. Par grand froid, j'étais un des seuls enfants à ne pas porter le pantalon à l'école : je subissais parfois les railleries de mes camarades, qui se moquaient de mes cuisses rougies.
    Mais la règle était la règle et ma mère n'y dérogeait pas : on ne sortait le pantalon qu'à partir de la Toussaint.

    L'entrée en sixième marquait la fin de cette tradition, et je pouvais enfin porter un pantalon durant toute l'année scolaire. Le problème, c'est que, comme je grandissais trop vite et que je n'avais qu'un pantalon pour toute l'année, je me retrouvais avec un "pantacourt" au mois de juin : c'est très à la mode aujourd'hui, mais pas très "fashion" dans les années 70.

  • Greli Grelo

    Nous jouions souvent, avec ma sœur, à un jeu qui nous occupait des après-midi entiers. Nous ramassions quelques petits cailloux pour jouer à "greli-grelo" : chacun notre tour, on mettait un certain nombre de cailloux dans les mains, on les joignait et on les remuait en faisant s'entrechoquer les cailloux, en disant la phrase : "Greli-grelo, combien j'ai de pierres dans mon sabot ?".

    Le but du jeu était de trouver le nombre exact de cailloux, ce qui permettait de gagner la mise.

    Nous pouvions jouer très longtemps, assis à l'ombre d'un mur : quelques cailloux suffisaient à nous occuper et nous savions, quelle chance, que demain, il y aurait encore d'autres cailloux. Les jouets-cailloux étaient là, à profusion : c'était encore mieux que dans les centres commerciaux d'aujourd'hui. Ils étaient là, à nos pieds, et on n'était même pas tenté de les voler.