Le grand-père
Avec nos parents, nous allions voir de temps en temps notre grand-père, qui habitait un petit village, à environ une dizaine de kilomètres de chez nous. Comme mes parents n’avaient pas de voiture, nous partions tous en vélo. Je m’asseyais à l’avant de son vélo de mon père, et mon frère s’asseyait sur le porte-bagages. Ma mère et mes deux sœurs faisaient la route avec leur propre vélo. Aller chez notre grand-père était toujours un moment excitant pour nous, car il tenait l’épicerie du village ; même si les boites de pâté qu’il vendait étaient parfois un peu avariées (les habitants ne vivaient pas très vieux dans la village !), nous ne pouvions nous empêcher d’aller discrètement dans sa boutique pour plonger à pleines mains dans ses bocaux de bonbons, guimauves et autres carambars. S’il nous surprenait, il nous flanquait un coup de casquette sur la tête en grommelant : "J'vas te foutre un coup d'gâpette, dediou !".
Le soir, au dîner, nous mangions … du pâté en boite ! (pas de soucis pour nous, on était vacciné depuis des années). En fin de repas, le grand-père nous jouait parfois un petit air d'accordéon, la seule richesse qu'il possédait : il avait appris à en jouer dans les tranchées, pendant la Grande Guerre (1914-1918), avec ses pauvres copains de galère, ouvriers ou paysans, chair à canon des généraux de l'époque.