Le docteur L.
Souvent à la campagne, à cette époque, les familles restaient fidèles à leur médecin. C'était le cas de mes parents, qui ont toujours fait appel au même médecin, le docteur L.
Le docteur L. était l'archétype du médecin de campagne, travailleur infatigable ne comptant pas ses heures, respecté de ses clients. A force d'aller dans les foyers des mères de famille, il s'octroyait quelques libertés par rapport à celles-ci, en les appelant par leur prénom ou en les prenant par le cou. Ce médecin aux mains un peu baladeuses était une "grande gueule", assez adroit pour s'être fait élire maire du village. Comme il se doit, son épouse s'occupait des bonnes oeuvres, notamment de villages pauvres d'Afrique, ce qui permettait au médecin malin de faire quelques escapades africaines, pour la bonne cause, bien sûr.
Hélas, ce médecin "à l'ancienne" avait de nombreuses lacunes et ses diagnostics étaient parfois incertains, car il était sûr de sa science et n'était pas du genre à se remettre en cause.
Ainsi, il ne put détecter le cancer de l'utérus dont ma mère souffrait depuis plusieurs mois : elle dut se faire opérer en urgence et est décédée après 6 mois d'atroces souffrances.
Le brave médecin est parti couler une retraite paisible sur la côte d'Azur, visiblement sans remords par rapport à sa façon d'exercer la médecine : l'argent gagné par ce notable a sans doute été gage de son honorabilité.